Devenir maman sans sa propre mère.
Je te partage aujourd’hui l’histoire d’une femme qui devient mère sans ses parents. Comment naviguer sa propre parentalité quand nos modèles, quand nos propres parents ont déjà quittés notre monde ? Comment être mère sans sa propre mère ? Comment fêter les moments importants de la vie de famille sans ses parents ? C’est le récit que je te partage maintenant.
Il y a 10 ans, je ne savais pas que je fêtais mon dernier anniversaire avec eux.
Un samedi en bord de mer, j’avais 21 ans. Il y a quelques semaines, nous avons fêté le premier anniversaire de notre fils, sans aucun de ses grands-parents maternels.
La plaie est béante comme au premier jour, je mets quelques pansements dessus, que je recolle inlassablement après chaque instant de vie.
Cette année 2023 est particulièrement difficile. Parce que 10 ans… déjà. Ou seulement. 10 ans. Je pleure moins, mais je pleure toujours. Je regarde mes enfants et j’ai envie de hurler. Hurler ma colère, hurler à la terre entière qu’ils n’ont rien demandé. Hurler parce que j’aimerais cesser de me réveiller perdue parce que j’ai rêvé d’eux. Devoir m’habituer aux « je les ai jamais vus en vrai moi ! » de ma puce d’à peine 4 ans.
Je n’aime pas regarder en arrière, mais c’est le seul moyen que j’ai pour retrouver un peu d’eux.
Ils sont partis en 2013. Pendant 2 ans, moi & mes deux frères avons vogué sur les démarches administratives et judiciaires, j’en ai profité pour changer de ville, changer de métier, et puis j’ai rencontré l’homme de ma vie. Entre 2015 & 2018, on profite, on voyage, je revis, un peu. Janvier 2019, on a envie de fonder notre famille. Notre fille s’accroche du premier coup, et c’est le début d’une grossesse qui ressemblera à un ouragan pour mon corps, pour ma tête, et je l’apprendrai plus tard, pour ma fille. Devenir mère sans ma propre mère ? Jamais je n’aurai pu le concevoir.
J’avais pourtant mon village : mes frères, mes amies, et des ami.e.s devenus ma famille.
Mais l’absence de mes parents a été la chose la plus difficile que j’ai eu à gérer pendant ces 9 mois.
Les annonces, les petits et les grands maux, les premiers coups, les émotions que seule une mère peut comprendre, imaginer quels grands-parents ils seraient devenus. C’était, et c’est encore, trop dur. Emeline est née début Octobre. Deuxième ouragan. Mécaniquement tout s’est parfaitement bien passé, mais je n’avais pas encore conscience des années de travail qui m’attendaient, qui nous attendait. Allaiter était une évidence, comme cela l’a été pour ma lignée maternelle avant moi. Nous n’avons eu aucune difficulté à mettre en place cet allaitement, à part quelques crevasses et un reflux que je ne découvrirai qu’un an plus tard, tout allait merveilleusement bien.
Pourtant je pleurais. Souvent. Tous les jours. Emeline ne me lâchait jamais, et je n’avais aucune envie de la lâcher. Un entourage oppressant m’a obligée à montrer les dents. Parfois je ne me reconnaissais même pas, mais c’était plus fort que moi. J’ai vite compris qu’Emeline était une petite fille hypersensible. Elle ne supportait aucun autre contact que moi ou son papa, et je ne le supportais pas non plus. Impossible de laisser qui que ça soit la toucher. On a commencé l’adaptation à la MAM à ses 4 mois et demi. Quelques heures par semaine pendant 6 mois. Un déchirement pour moi, j’ai pleuré pendant plusieurs jours en la laissant. Elle refusait de manger, et pouvait passer plusieurs heures à m’attendre. La première année de garde fût très difficile pour elle : le bruit, l’agitation, l’impossibilité d’avoir des bras quand elle le souhaite, le refus de bouger si elle n’est pas seule avec nounou, et le refus de manger pendant des mois avant d’être diversifiée. Tout cela malgré une nounou en or que je ne remercierai jamais assez pour sa patience et son amour pour Emeline. Mais Emeline prenait sur elle, beaucoup. Il m’a fallu trouver une solution pour l’apaiser, et elle est venue de mon amie d’enfance : le Shiatsu.
Notre thérapeute a changé notre vie.
Nous avons travaillé sur l’acceptation de la mort de mes parents, sur ma maternité, sur mon lien avec ma fille.
Et elle a également pu aider Emeline à s’apaiser, et c’est aujourd’hui une petite fille qui a les armes pour construire sa vie, sans trainer les casseroles de sa maman. Mais il aura fallu deux ans. Deux ans de bataille contre moi-même. Deux ans d’allaitement, de maternage, de cododo, de fusion mère-fille. Deux ans de réels sacrifices pour Emeline. Je me suis vouée corps & âme pour elle. Et je n’ai aucun regret. C’était nécessaire, pour elle comme pour moi. Je suis tombée enceinte une 2ème fois en Août 2021. Il était temps pour moi d’amorcer le sevrage. Il nous faudra quelques semaines pour y parvenir, après un sevrage nocturne décidé avant ma grossesse (qui fût bien plus difficile puisqu’il n’y a que moi qui était d’accord avec cette décision…), les tétées beaucoup trop douloureuses ont finit par disparaitre, et une nouvelle relation s’est installée.
Un voyage de mille lieues a commencé par un pas.
Lao-Tseu
Et j’ai cru que cette deuxième grossesse serait plus facile. Raté ma grande… Deuxième tornade. La fatigue d’avoir déjà un enfant à gérer, une entreprise à faire tourner, et le manque. Ce manque qui revenait encore plus fort. Ces questions auxquelles je n’aurai jamais de réponse. Ces interrogations auxquelles elle seule aurait pu répondre. Comment on fait pour devenir Maman sans sa Maman ? Comment on fait pour tenir une famille à bout de bras quand on est enceinte, malade & fatiguée ? Je n’avais qu’une hâte, accoucher. Avoir ce bébé contre mon cœur et le voir aux côtés de sa grande sœur. Lysandre est né deux jours après mes 30 ans, juste avant la fête des mamans. Et j’avais mal, et j’ai encore aujourd’hui si mal…
Est-ce que je suis heureuse ? Oui, parce que la vie continue.
Mes frères font leurs chemins, construisent leurs foyers. Ma famille est ce que j’ai de plus précieux, et même si mon coeur est entaché, il s’est agrandit pour les trois personnes qui partagent aujourd’hui ma vie. Le plus dur, c’est de vivre des évènements, des instants de vie précieux, sans eux. Les mariages, les naissances, les Noël, les anniversaires, les fêtes des mères, des pères, des mamies, des papis… Et même parfois les moments les plus insignifiants de ma vie. Je suis encore à fleur de peau, je prends sur moi pour que ça ne se voit pas, je prends sur moi quand je suis dans la famille de mon chéri, je prends sur moi quand Emeline me parle d’eux. Avec ses mots à elle qui me font si mal. De simples questions auxquelles je réponds le cœur serré et les yeux embués de larmes. Et c’est peut-être ça le plus difficile à vivre aujourd’hui : accepter de ne jamais pouvoir partager le moindre moment avec mes parents, mon amoureux et mes enfants. Pas sûr que ça soit quelque chose que je réussisse à accepter un jour.
Aujourd’hui je sais comme la vie est précieuse. Que tout peut s’arrêter demain, comme tout s’est arrêté ce samedi d’Août 2013. Ces images tournent et tourneront dans ma tête tout le reste de ma vie. Mais c’est ce qui fait ce que je suis et qui je suis. Je peux parfois être dure, exigeante, ou alors complètement « j’m’enfoutiste », mais on a qu’une vie. Alors profitez de cette vie, profitez des personnes qui vous sont chères, profitez de vos enfants et ne gâcher pas votre vie à passer à côté de la leur…
Ça fait 10 ans, et j’ai peur de passer encore plusieurs fois 10 ans sans eux. Mais la vie ne nous a pas laissé le choix, alors chaque jour qui passe est désormais le premier jour du reste de ma vie. Et j’espère que de là où ils sont, ils sont un peu fiers de leurs enfants, et de leurs petits enfants. ✨
Noyale
Texte et photos non libres de droit.
Si tu souhaites faire voyager ce récit, m’écrire un message ou laisser un commentaire tout doux ici ou sur mes réseaux, c’est avec plaisir que je te lirai.
Bérénice Olive
Hello. Je suis Bérénice, créatrice de Malitha. Je suis doula des femmes et des familles. Un soutien indéfectible pour naviguer les changements de ta vie avec sérénité, de la naissance à la mort, de la puberté à la ménopause. Une toile que je tisse tout autour et avec toi, parce qu'on devrait toutes avoir un village autour de soi. C'est un honneur de te recevoir dans mon univers. Il y a de la lecture, prends une tasse de rooibos et navigue à ta guise !